THYESTE

L'histoire de ce crime si terrible a semble-t-il fait dévier le soleil de son orbite en l'entendant. Alors qu'Atrée règne en paix sur Mycènes, son jumeau, Thyeste, séduit sa femme et s'empare du bélier d'or. Devant ce double vol, Atrée a la vengeance furieuse et sert à celui qui est son frère la chair de ses enfants en banquet. Parmi les tragédies de Sénèque, celle que Thomas Jolly choisit de présenter est la plus extrême, la plus sauvage et la plus surnaturelle aussi. Les sujets (l'adultère, le vol, l'infanticide et le cannibalisme) sont irreprésentables et les moyens inventés pour les mettre en oeuvre (la douleur, la rage et le néfaste) implacables. Sans doute parce que Thyeste n'est pas la seule victime de cet attentat qui paralyse la pensée... La transformation radicale et subite d'Atrée en monstre est à l'image de l'effondrement du monde. L'ensemble se fait sous le regard du futur, « une jeunesse impuissante face au chaos dans lequel elle devra vivre et grandir ». Une manière pour Thomas Jolly d'évoquer « le traité d'indulgence mutuelle » que Sénèque proposait déjà à l'humanité.

Distribution

Avec Damien Avice, Éric Challier, émeline Frémont, Thomas Jolly, Annie Mercier, Charline Porrone, Lamya Regragui, Charlotte Patel (violoncelle), Caroline Pauvert (alto), Emma Lee, Valentin Marinelli (violons)
Et la Maîtrise populaire de l'Opéra Comique et la Maîtrise de l'Opéra Grand Avignon

sTORY WATER

« Une histoire, c'est comme l'eau
Que tu fais chauffer pour ton bain
Elle porte les messages entre le feu
Et ta peau »
Comme l'eau du poème soufi – donnant son nom à la pièce – porte les messages du feu, le corps est le véhicule entre Emanuel Gat et la danse. Story Water réunit sur le plateau de la Cour d'honneur du Palais des papes danseurs et musiciens pris sous les feux d'une même lumière, intensément blanche, qui sublime via les mouvements, une histoire en temps réel, jamais exactement la même chaque soir. Tous sont emportés dans le même présent par la musique mathématique et méditative de Pierre Boulez, sauvage et physique de Rebecca Saunders et celle composée par le chorégraphe et les musiciens selon les procédés d'une danse où chaque interprète propose à l'ensemble de s'accorder. Tous construisent sous nos yeux une pièce chorale, incroyablement libre, où la danse, la musique et la peinture s'interpellent par le biais des corps, rappelant que, depuis vingt-cinq ans, le chorégraphe ne cesse de réinterroger les infinis potentiels de la relation humaine.

Chorégraphie, scénographie et lumière Emanuel Gat
Musique Pierre Boulez, Emanuel Gat & Ensemble Modern, Rebecca Saunders
Chef d'orchestre Franck Ollu

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JOUEURS, MAO II, LES NOMS

«Si la lecture croisée d'oeuvres de Don DeLillo –Joueurs, Mao II, Les Noms – permet à Julien Gosselin de tisser avec des fils narratifs une thématique qui flirte du côté du terrorisme et des années 1970 à 1990, son rêve de théâtre aujourd'hui s'ouvre à d'autres paysages. Les variations dans les écritures, les sous-textes et le rapport au temps deviennent pour le jeune metteur en scène des évidences qu'il aime à retrouver dans l'auteur américain. « Je ne souhaite pas sur-créer des ponts entre trois textes pour fabriquer une trilogie convaincante et explicite, mais plutôt que la fiction se brise pour que des événements adviennent de partout. »  L'histoire chez les deux hommes – l'écrivain comme le metteur en scène – ne se vit pas de manière linéaire : elle est éclatée, à l'instar des flux d'informations de notre modernité qui alternent instants intenses et moments suspendus. Tel un romancier qui interrompt le déroulé de son intrigue pour poser son décor, telle la discontinuité de la lecture soumise aux aléas du quotidien, les huit heures de spectacle dans lesquelles Julien Gosselin et Si vous pouviez lécher mon coeur nous immergent sont une expérience du sensible. De l'entrée à la sortie de salle, les durées de la fiction et du réel cherchent un accord.

Distribution

Avec Rémi Alexandre, Guillaume Bachelé, Adama Diop,
Joseph Drouet, Denis Eyriey, Antoine Ferron, Noémie Gantier, Carine Goron, Alexandre Lecroc-Lecerf, Frédéric Leidgens, Caroline Mounier, Victoria Quesnel, Maxence Vandevelde

Texte Don DeLillo
Traduction Marianne Véron et Adélaïde Pralon
Adaptation et mise en scène Julien Gosselin
Scénographie Hubert Colas
Lumière Nicolas Joubert
Vidéo Jérémie Bernaert, Pierre Martin
Musique Rémi Alexandre, Guillaume Bachelé, Maxence Vandevelde 

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KREATUR

Kreatur parle du corps humain, qui, isolé ou joint à une communauté, se déforme sous la pression. Alors que perdre ou prendre le pouvoir, penser l'altérité ou se regarder soi-même, s'aimer et se détester sont les intuitions de départ de cette pièce, la visite d'une ancienne prison de la Stasi à Berlin a confirmé à Sasha Waltz et ses danseurs des points d'appui mémoriels, sensitifs pour travailler le confinement inhumain, la station debout, le continuel éveil. La chorégraphe évoque un monde où les constrictions autant physiques que physiologiques nous obligent au mouvement. Le corps devient le symbole d'une lutte, pris en étau entre des sensations concrètes d'emprisonnement et des sentiments de libération. Pour chercher ce qu'il y a de sombre et de lumineux en chacun, elle a souhaité travailler en collaboration avec de grands artistes, pour les costumes, l'espace et ses reflets, les sons métalliques et concrets... Tout cela compose Kreatur : un univers minimaliste de noir et blanc, où seule la peau et le vivant font couleur et où les figures en présence sont des images d'un futur possible, à la fois familières et inconnues.

Distribution

Avec Liza Alpízar Aguilar, Jirí Bartovanec, Davide Camplani, Clémentine Deluy, Peggy Grelat-Dupont, Hwanhee Hwang, Annapaola Leso, Nicola Mascia, Thusnelda Mercy, Virgis Puodziunas, Zaratiana Randrianantenaina, Yael Schnell,
Corey Scott-Gilbert, Claudia de Serpa Soares

Chorégraphie : Sasha Waltz
Collaboration artistique : Davide Di Pretoro
Costumes : Iris van Herpen
Lumière : Urs Schönebaum
Son : Soundwalk Collective
Dramaturgie : Jochen Sandig 

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ARCTIQUE

2025. Quelque part dans les eaux glacées internationales. Intérieur nuit. Froid. Salle de réception d'un paquebot de croisière. Extérieur plus froid encore. Inquiétante embarquée pour sept passagers clandestins, entre Danemark et Groenland. Très loin de s'amuser, cette croisière navigue à vue dans un environnement hostile sur fond de réchauffement climatique. Qu'allaient-ils donc faire dans cette galère ? Une ancienne ministre du Groenland, son ex-conseiller, une activiste écologiste, un journaliste, la veuve d'un homme d'affaires, le commandant du bateau et une adolescente cherchent à savoir qui les a mystérieusement réunis là et pourquoi. Polar politique ? Fiction écologique prémonitoire ? Huis clos à l'humour cinglant ? Mortelle traversée ? Entre théâtre et cinéma, dans un décor gigantesque aux coulisses tout aussi impressionnantes, Anne-Cécile Vandalem nous embarque dans une expédition champ/hors champ à la tension d'une glaçante précision où le réchauffement climatique et la vengeance sont des plats qui se mangent froid.

Distribution

Avec Frédéric Dailly, Guy Dermul, Éric Drabs, Véronique Dumont, Philippe Grand'Henry, Epona Guillaume, Zoé Kovacs, Gianni Manente, Jean-Benoît Ugeux, Mélanie Zucconi

Texte et mise en scène : Anne-Cécile Vandalem
Dramaturgie : Nils Haarmann, Sarah Seignobosc
Musique : Pierre Kissling
Son : Antoine Bourgain
Scénographie : Ruimtevaarders
Lumière : Enrico Bagnoli
Vidéo : Federico D'Ambrosio
Costumes : Laurence Hermant

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cERTAINES N'AVAIENT JAMAIS VU LA MER

Début des années 1920, des milliers de Japonaises sont envoyées aux États-Unis. Elles y retrouvent un mari et ont pour rêve de mener une vie idyllique dans le pays de la ruée vers l'or. Les espoirs sont vite effacés... Le roman de Julie Otsuka, auteure américaine à l'histoire japonaise, traite de ces arrivées et de leurs déconvenues. à partir de ces « nouvelles pauvres vies », l'écrivaine déroule le fil d'une histoire liant étroitement deux continents jusqu'à la seconde guerre mondiale et qui aura pour résultat de stigmatiser une communauté jusqu'à son invisibilité. Le metteur en scène Richard Brunel, touché par ce drame, se saisit de ce texte et l'adapte au théâtre. Pour faire entendre ces parcours multiples réunis dans un même destin, il s'entoure de comédiennes et comédiens, de leurs différences, et les conduit sur le chemin de la choralité, du « nous » pour mieux souligner la succession des disparitions, et interroger ce paysage américain qui absorbe autant qu'il rejette. À partir d'une parcelle méconnue de l'Histoire, Certaines n'avaient jamais vu la mer fait entendre le destin pluriel de femmes qui ont cru en la possibilité d'un ailleurs.

Distribution

Avec Simon Alopé, Mélanie Bourgeois, Youjin Choi, Natalie Dessay, Yuika Hokama, Mike Nguyen, Ely Penh, Linh-Dan Pham, Chloé Réjon, Alyzée Soudet, Kyoko Takenaka, Haïni Wang

Texte : Julie Otsuka
Traduction : Carine Chichereau
Adaptation et mise en scène : Richard Brunel
Dramaturgie : Catherine Ailloud-Nicolas
Scénographie : Anouk Dell'Aiera
Costumes : Benjamin Moreau
Son : Antoine Richard
Lumière : Laurent Castaingt
Vidéo : Jérémie Scheidler

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dIE DINGER VOORBIJGAAN

Au centre de la scène, deux très vieux amants attendent la mort, persuadés que personne ne connaît l'horrible secret qui les lie. Leurs enfants et petits-enfants essaient en vain de s'en libérer ; les fardeaux familiaux se transmettent toujours de manière souterraine. De la société rigide de La Haye, dépeinte dans le roman de Louis Couperus, Ivo van Hove conserve l'atmosphère étouffante, l'aspect tragique. La scène, salle d'attente ou purgatoire, est l'espace de toutes les désillusions, un abîme, emprisonnant les sentiments dont on ne sait plus s'ils s'apaisent ou se déchaînent. Dans une résonance pulsatile, une horloge égrène le temps. Course inéluctable... En noir, les personnages tel un choeur antique portent en eux une angoisse qui prend en étau, bloque les désirs, asphyxie les aspirations. Les émotions parfois délicates restent avant tout crues, souvent abrasives, sans aucun répit pour ce fil générationnel pris au piège. Ivo van Hove, curieux des intuitions si contemporaines de Louis Couperus, a choisi de réfléchir aux moyens d'échapper à son destin, à son héritage. N'y a-t-il pas d'autres formes de relations à inventer en dehors de la classique famille ?

Distribution
Avec Katelijne Damen, Fred Goessens, Janni Goslinga, Aus Greidanus jr., Abke Haring, Robert de Hoog, Hugo Koolschijn, Maria Kraakman, Majd Mardo, Celia Nufaar, Frieda Pittoors, Luca Savazzi, Gijs Scholten van Aschat, Bart Slegers, Eelco Smits.

Texte : Louis Couperus
Adaptation : Koen Tachelet
Mise en scène : Ivo van Hove
Dramaturgie : Peter Van Kraaij
Chorégraphie : Koen Augustijnen
Musique : Harry de Wit
Scénographie, lumière : Jan Versweyveld
Vidéo : Theunis Zijlstra
Costumes : An D'Huys

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IL POURRA TOUJOURS DIRE QUE C'EST POUR L'AMOUR DU PROPHETE

Véritable oratorio théâtral, Il pourra toujours dire que c'est pour l'amour du prophète fait se rencontrer, de manière performative, paroles d'exilés, jeunes comédiens et composition électro-acoustique. à la suite à de nombreux entretiens avec des personnes fuyant pour des raisons identitaires, politiques, les guerres ou les intolérances de leurs pays, le franco-iranien Gurshad Shaheman a réalisé avec le créateur sonore Lucien Gaudion une oeuvre scénique singulière. Une quinzaine d'acteurs partagent une parole qui circule à travers la salle, récusant toute mise en scène réaliste. Un partage des récits et des fragments de vie qui transforme l'espace en labyrinthe sonore. Le spectateur assiste à l'expression de la présence, où tout geste, même infime, est essentiel et accueille ces existences, ces traversées prises entre violence et amour, corps torturés et corps aimés. Avec ce nouveau spectacle, Gurshad Shaheman affirme un art de la perception et du témoignage où le théâtre passe par les sens.

Distribution

Avec Tiebeu Marc-Henry Brissy Ghadout , Flora Chéreau, Sophie Claret, Samuel Diot, Léa Douziech, Juliette Evenard, Ana Maria Haddad Zavadinack, Thibaut Kuttler, Tamara Lipszyc, Nans Merieux, Eve Pereur, Robin Redjadj, Lucas Sanchez, Antonin Totot, Lawrence Alatrash, Daas Alkhatib, Mohamad Almarashli et Elliott Glitterz

Texte et conception : Gurshad Shaheman
Dramaturgie : Youness Anzane
Son : Lucien Gaudion
Scénographie : Mathieu Lorry Dupuy
Lumière : Aline Jobert
Collecte de paroles : Amer Ghaddar

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IPHIGENIE

La guerre de Troie est imminente et la flotte du roi grec Agamemnon est retenue dans le port d'Aulis depuis trois mois. L'oracle est consulté et l'oracle dit : pour retrouver la clémence des dieux, la fille d'Agamemnon, Iphigénie, doit être sacrifiée sur l'autel de Diane. Questionnant les actions par devoir, le bien-fondé du sacrifice ou encore les oscillations de l'amour et de l'ambition, Chloé Dabert se saisit à la lettre du texte de Racine, entre dans les mots du XVIIe siècle et interpelle le sens moral de cette expiation. Dans un campement entre plage et mer, les protagonistes encerclés reprennent à leur compte cette poésie si tragique, nous disent que l'action se nourrit avant tout de parole, que le désir des dieux entraîne toutes les soumissions, que la femme est la victime de tous les enjeux... Une pensée qui ne cesse d'en revenir à nous et aux choix qui nous dépassent dans le but d'un retour au calme ou de l'apaisement d'un climat...

Distribution

Avec Yann Boudaud, Bénédicte Cerutti, Victoire Du Bois, Servane Ducorps, Olivier Dupuy, Sébastien Eveno, Julien Honoré, Arthur Verret

Texte : Jean Racine
Mise en scène : Chloé Dabert
Scénographie et vidéo : Pierre Nouvel
Lumière : Kelig Le Bars
Son  : Lucas Lelièvre
Costumes : Marie La Rocca

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lEONIE ET NOELIE

Léonie et Noélie ont 16 ans. Elles sont jumelles monozygotes. Des toits d'une ville, elles contemplent un incendie qu'elles ont provoqué et jaugent leurs défis presque atteints. Pour l'une, le contrôle parfait des mots. Pour l'autre, la stégophilie, le vide et l'action. Elles sont dans une performance limite où elles dépassent les humiliations de leur enfance. Léonie et Noélie, texte de Nathalie Papin est une méditation sur l'autre, son miroir, son tout mais aussi son rien, sa solitude et sa soif de distinction. En proposant à Karelle Prugnaud de se saisir de ce texte sur les pouvoirs et les ambiguïtés de la gémellité, l'auteure a senti un double possible chez la performeuse habituée à l'instantanéité. L'absolu de l'enfance, le vertige de la piste, l'animalité des pulsions sont ici au service d'un public en devenir. « Cela nous raconte aussi le désir qu'un enfant a de s'extraire de son milieu lorsque ses rêves ne peuvent s'y déployer correctement. » Nathalie Papin

Distribution


Avec Justine Martini, Daphné Millefoa, Yoann Leroux, Simon Nogueira

Texte : Nathalie Papin
Mise en scène : Karelle Prugnaud
Dramaturgie : Nathalie Papin et Karelle Prugnaud
Scénographie : Thierry Grand
Lumière : Emmanuel Pestre
Musique et son : Rémy Lesperon
Vidéo : Tito Gonzalez-Garcia, Karelle Prugnaud
Costumes et assistanat à la mise en scène : Antonin Boyot-Gellibert


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